vendredi 29 août 2014

Les Beaux Arts : Bilan


Aux dernières nouvelles, j'entrais à peine en première année des Beaux-arts, que j'ai finalement abandonnée pour suivre mon copain, vivre une vie de bohème ou d'exploitée,  à laquelle je mets un terme en m'inscrivant en licence de sociologie. Impulsivité, hihi !


Unwoven Light
 
Bref, les Beaux-Arts, auquel on associe souvent les termes d'élitisme, de fainéantise, et d'art chiant ou bourgeois, ça donne quoi ? 

Je vais tenter de synthétiser mon expérience et mon ressenti sans trop trop de mauvaise foi :
Au premier abord, c'était idyllique. J'intégrais ma première année dans une ambiance assez révoltée, sur fond de grèves qui étaient de mon point de vu tout à fait justifiées. Rebelle et syndicaliste dans l'âme, je ne crachais pas dessus, on apprenait à se connaitre avant les cours, dans cet espace-temps transitoire, où 1er et 5em année étaient mêlés. Ceux qui étaient présents s'occupaient en faisant de la musique, ou tout ce qu'un étudiant en Art peut bien faire. J'avais hâte d'y rencontrer des amis originaux, ça me semblait bien parti.

Bref, les cours finissent par commencer, mais beaucoup de prof qui ne sont pas encore présents, le directeur est parti, tout est à refaire. Les salles manquent de tables et de chaises. On ne sait jamais trop où aller. On serait tenté de stéréotyper les artistes et d'en faire des bordéliques hors pair. Je ne suis pas d'accord, le désordre était dû à une situation difficile, et puis moi qu'aime pas trop les choses trop encadrées, ne me dérangeait pas tant. Les cours sont souvent intéressants, on nous apprend beaucoup à déconstruire les stéréotypes qu'on a accumulés vis à vis des arts, et notamment de la notion de beau, de joli. On a aussi du mal avec l'art technique, celui qui ne peut se vanter que d'être difficile à réaliser. On nous apprend à expérimenter, à tisser sa réflexion, à chercher, encore, des pistes, des pistes, et encore d'autres.

Marina Abramovic

Dans un premier temps, je trouvais ça intéressant. Puis ça a finis par se dégrader, certains professeurs n'avaient aucune demie-mesure, les cours de dessins par exemple, n'en étaient pas tant. Toute l'année, il a fallu interroger le dessin sans jamais le pratiquer sous sa forme traditionnelle et évidente, à savoir, la juxtaposition de traits ou de motifs par le biais de crayon/feutre/stylo et j'en passe, dans le but de former un tout, une image reconnaissable ou non. Oser l'affirmer, était aussi scandaleux que de porter des bottes en hiver. Ce qui est évident n'est pas recevable. "Non ! Il faut interroger le dessin, moi même, je ne sais pas ce qu'est le dessin ! Et je ne le saurais probablement jamais !" Très bien, c'est ironique quand on en donne des cours, mais soit. Que l'on veuille interroger une matière, une technique, en douter, pour en tirer quelque chose, oui. Mais nié l'existence même d'une définition telle qu'elle a été utilisée pendant des siècles, c'est grave. Pour déconstruire, il faut des bases non ?  On déconstruit quelque chose qui a été construit, et pour ça, il faut l'étudier. En savoir l'Histoire et les structures. J'ai la sensation que la peur de sombrer dans l'académisme qui a traumatisé les artistes du début du siècle, n'est pas maitrisée, et laisse place une sorte de chaos consenti. J'ai eu aussi la sensation que les élèves ayant de fortes capacités techniques (dites traditionnelle) étaient beaucoup plus contestés que les autres, pour le seul motif qui savaient faire de belles choses. Pas moins intéressantes, pas moins réfléchies ni approfondies. Juste plus belles, c'est à dire, les choses qu'on a tendance à apprécié pour leur esthétisme, ou pour leur difficulté de réalisation.

Pour ma part, j'ai souvent entendu dire que ce que je faisais été trop illustratif, en dessin. Sans que je sache ce que ça veuille vraiment dire. Ce dont ils parlaient n'était pas illustratif dans le sens où, quand on me dit de dessiner un oiseau qui chante, je dessine un oiseau qui chante. Non, il n'y avait pas forcément d'évidences creuses et balancées comme ça à coup de crayon facile. Je ne comprenais pas, j'ai finis par me dire que parce que c'était reconnaissable, qu'il était possible d'y voir quelque chose d'un tant soit peut figuratif, et non d'abstrait, alors c'était de l'illustratif. Une professeur a finis par me dire qu'en fait, mon esthétisme avait trop de caractéristiques en commun avec la culture populaire. Que ça ne plairait pas dans les galeries. Que ce que j'avais réalisé n'était pas creux, mais que ce dont ça avait l'air, renvoyait à quelque chose de tellement bas qu'il était possible qu'une personne qui n'a pas fais les beaux arts puissent y voir, dans sa forme, une influence de quelque chose qu'il a déjà vu, dans son monde vulgaire et dégueulasse. Sérieusement.. 

Hiraki Shimoda
En dehors de ça, les beaux arts c'est aussi la nécessité permanente de créer un discours, et de savoir le communiquer. Vous êtes notés là dessus, après tout, l'art est marchandise, l'artiste se doit d'être vendeur. Il y a un truc qui m'a souvent dégoutée, c'est que sous prétexte qu'une chose est réfléchie, dans sa forme et dans son discours, elle en devient intéressante. Tous les sujets sont exploitables, certes, mais tous ne sont pas intéressants. Non, je ne trouve pas ça intéressant de développer un discours sur l'assimilation de la terre et du beurre, qui donne une texture d'excrément. J'ai réalisé cette merde, malgré moi, et en dire que ce qu'il y avait de fascinant, étaient que ces deux matières étaient utilisées dans le domaine de la cuisine, l'un pour les ustensiles, l'autre pour les ingrédients, mais rendaient tout deux mêlés, en une sorte de caca ironique, comme le cycle de la vie qui s'expriment à travers des objets qui n'ont pas été ingéré. Merde quoi, et on est parvenu à trouver ça intéressant ! Parce que c'était argumenté, parce que la forme de mon œuvre renvoyait à ce que je disais. Oui mais ! Ça ne suffit pas. Bref, sensation de sur-intellectualisation vomitive.


Et pour finir, l'Art qui se regarde le nombril : je vois défiler des artistes qui en déconstruisent d'autres constamment, dans le but de remettre, une énième fois depuis 40 ans, l'Art en question. C'est putain de redondant. Bref, ce n'est pas un réquisitoire contre l'art contemporain, du tout, mais de certaines facettes que j'ai du mal à digérer. Mais ça pourrait ne concerner que mes goûts, soit, le problème c'est la façon dont il m'a été imposé, comme une évidence incontestable. Les beaux arts on été tout de même une bonne expérience, j'en garde certaines méthodes et références qui me sont très utiles, j'ai surtout fais des rencontres fantastiques, j'ai beaucoup ris, mais disons que ça ne correspond pas tout à fait à l'idée, quoique souple, que je me fait de l'art.



6 commentaires:

  1. Je pensais que mon ex-école était une exception, mais quand je lis ton récit bah je me rends compte que mes potes et moi on a vécu les beaux-arts a peut près de la même façon que toi.

    Perso ça m'a carrément rendu dingue, je me suis enfuis. Entre les profs artistes ratés pédants, les élèves qui se prennent pour des artistes et qui sont tout aussi pédants, l'ambiance bobo qui est cool au début mais qui s'avère être une façade, les cours de dessins qui ne sont pas des cours de dessins, la prof de photo que ne jure que par le nu, le prof de sculpture obsédé par les formes phalliques...ossekour!!!

    Bref, j'ai quand même appris des trucs, mais ça en valait pas la peine.

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    1. Oui :/ Je pense qu'il s'agit surtout que cette idée qu'on a de l'art aux beaux arts, elle est très à la mode, sauf chez les musicos et les artistes en marge. C'est un monde assez consanguin. Ça me fait penser à cet article : http://www.contrepoints.org/2014/05/03/164985-art-contemporain-dictature-quantitatif-ephemere

      L'ambiance bobo du début, je me suis faite avoir aussi : on se dit qu'on est tous en marge, mais finalement ce sont des gens qui portent juste un masque différent et qui nous voient à travers le prisme pompeux de l'art contemporain (tel qu'on nous l'enseigne). Pis t'as raison, question prof c'est vraiment une blague XD J'en avais aussi dans le genre, disons un prof de "vidéo" qui passaient une fois sur deux des films de cul. Super !

      Faudrait qu'on crée un club d'anciens élèves des beaux arts anonymes, pour essayer d'évacuer nos traumatismes, main dans la main.

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  2. Bienvenue au club des désillusionnés des Beaux-Arts, je me reconnais beaucoup dans ton compte-rendu, c'était entre autre ce qui m'avait beaucoup déplu (en ajoutant à ça que perso j'ai pas eu l'ambiance friendly entre élèves).

    Et sinon ça me fais mal pour toi ce que ta prof dit de ton travail, non seulement c'est faux pour ce qui est spécifiquement de ton travail, mais en plus c'est un ramassis de conneries.

    En tout cas je me souviens que tu m'avais demandé ce que j'avais retiré de mon année, je sais pas si tu te souviens, ça fait un bail, mais du coup voilà, t'as pigé ce que je voulais dire par rapport à mon expérience.

    J'espère que la suite t'apportera plus de satisfaction. ;)

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    1. Ouaip je comprends mieux :/ Pourtant à la base je n'y allais pas des paillettes pleins les yeux, l'année d'avant je ne voulais surtout pas y aller parce que je me disais que je ne voulais pas être formatée. J'ai finis par y réfléchir et me juger trop caricatural.. En fait ma première impression n'était pas du tout bête ^^

      C'est clair que sans l'ambiance friendly j'aurais craqué bien plus ! Et encore, je ne dis pas tout, ahah ! Je me suis retenue, j'ai cette espèce de pudeur et de culpabilité d'en parler, parce que j'avais en tête l'idée qu'on était une graaande famille au début. J'ai l'impression de trahir. :névrose powa:

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  3. Ahaha, comme mes collègues ex-co détenus de l'école des beaux arts, je n'ai pas forcément apprécié mon séjour aux beaux arts, il a fallut six mois + un entretien avec la directrice pour comprendre que cet univers n'était en fait pas pour moi. Pour finir, j'ai tenté de rentrer dans le moule ( photos pornographique de barbies, etc...), même si je me suis entendu dire que je faisait trop de "figuratif" en dessin - en même temps me le voir reproché alors que je sortais de 5 ans de graphisme - histoire de l'art classique et co - c'était juste hypocrite.
    J'ai au moins eu un prof ( Joël Renard ) qui a eu l’honnêteté de me signifier ce que sont les professeurs aux beaux arts: " des artistes ratés qui ne parviennent pas a vivre de leur art, la preuve il y en a exactement 10 en france qui ne vivent que de cela"

    Du coup, tu apprend une autre façon de voir, mais les gens qui vivent pleinement cette "philosophie" de l'art, je les plains foutrement. l'art signifie "technique" à la base, non "intellectualisation". De vinci doit se retourner dans sa tombe.

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    1. C'est ça :/ Et je ne comprends pas cette haine viscéral qu'ils ont à propos du figuratif. Ça veut dire quoi "trop" figuratif ? C'est sensé être quelque chose à fuir, et si on a le malheur de trop s'y pencher, on ne fait plus de l'art ? J'ai vraiment du mal à les saisir ces gens là.

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